La géologie du massif granitique du Huelgoat

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 Poullaouen la mine.

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http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/05/73/94/PDF/Garcon-Ths1995_chap2.pdf

A SUMMER IN Brittanny by Thomas Adolphus TROLLOPPE France Milton Troloppe

Un été en Bretagne : Journal de voyage d'un anglais en Bretagne pendant l'été 1839

Un été en  Bretagne ( édition  du Layeur 2002)  La visite de la mine.

Aux environs de cinq heures nous nous levâmes, en compagnie d'un des cinq étrangers avec qui nous avions soupe la veille. Il avait un homme avec lui pour transporter un énorme sac d'argent qui devait être amené aux mineurs en guise de paiement. C'était tout juste ce qu'un homme pouvait porter. Le chemin de Huelgoat à la mine est un enchantement. Nous descendîmes d'abord dans la vallée en contre-bas de la ville, où coule une rivière qui ne portait d'autre nom que "La Rivière", "L'eau des Mines", ou "La rivière d'Huelgoat". A mi-chemin de la descente pentue se trouve un petit canal d'une largeur d'environ trois pieds, qui va jusqu'à la mine tout en gardant le même niveau et suit toutes les parties inondées et les inégalités du terrain. Ce canal a été construit afin de pourvoir la mine en eau pour faire fonctionner la machine hydraulique. Le chemin bien entretenu qui mène aux travaux longe le canal. Sur la majeure partie il traverse un bois assez épais qui, ici et là, s'éclaircit suffisamment pour offrir un merveilleux point de vue sur la vallée en contre-bas. Le s4in avec lequel le canal est entretenu, ainsi que le chemin, tout comme le siège ou deux en pierre de la forêt, donnent un air de beauté de jardin à ce superbe paysage. Cela me poussa à demander si ce chemin avait été construit pour d'autres raisons que celle de communiquer avec la mine. Mon interlocuteur me répondit que lorsque les gentilshommes qui possédaient la mine venaient de Paris, ils emmenaient parfois des demoiselles et organisaient des fêtes avec de la musique dans ces bois et que c'était pour cette raison que le chemin était ainsi. Notre guide nous montra un endroit remarquable qui, lors de ces occasions festives, avait été le cadre d'un accident effroyable. L'endroit où cela s'était produit s'appelle le Gouffre. La rivière, qui traverse \ vallée en coulant dans ou sur la roche, est entièrement recouverte par celle-ci à cet endroit. Un grand nombre d'énormes rochers ont été jetés par quelque convulsion dans la plus sauvage des profusions, au fond de la vallée Entassés les uns sur les autres jusqu'à une hauteur considérable, ils forment un certain nombre d'énormes gouffres au fond desquels on entend le grondement incroyable de la rivière essayant de sortir de cette prison. L'abysse ainsi formé, visible à d'un endroit proche de la forêt, est une sorte de merveille que les étrangers adorent regarder ; c'était dans cette énorme ouverture que la dame malchanceuse tomba en glissant sur les feuilles mortes sur le bord de l'abîme.


Lorsque nous arrivâmes à la mine, à environ une heure de marche de la ville, notre premier souci fut de trouver l'endroit où résidait notre ami le chimiste. Nous n' eûmes aucune difficulté à le trouver. On nous montra une grande maison en pierre à l'allure inachevée, dont les deux étages inférieurs servaient aux tâches qu'il supervisait, tendis que le pauvre chimiste résidait sous son toit. Nous arrivames juste à temps pour suivre l'opération d'extraction de l'argent de la terre qui le contient, par le procédé de l'amalgame. Ceci se fait tous les matins de l'année, à six heures, sauf le dimanche de Pâques, qui est le seul jour de vacances que le pauvre allemand avait de l'année. Lorsque la terre rouge qui contient l'argent et qui recouvre tout juste le minerai principal, est extrait de la mine, elle est d'abord battue et lavée, ce qui en sépare une grande partie de la terre. La partie métallique est alors réduite en une sorte de pâte que l'on apporte ensuite à notre ami le chimiste. C'est ensuite placé dans quatre grandes barriques rotatives' avec une certaine quantité de mercure et un mélange de sel et de vitriol qui participe à l'amalgame ainsi que beaiicoup d'eau. Les barriques sont alors en mises en m0uvement pendant vingt-quatre heures grâce à i'énergie hydraulique, temps au bout duquel tout l'argent aura été extrait de la terre vers le mercure. L'eau et la terre sont ensuite retirées pour laisser le mercure mêlé à l'argent au fond des barriques. Ce mélange est alors pompé dans la presse hydraulique, qui sépare le mercure de l'argent en forçant la masse unie dans un cylindre avec une grande force, dont un des bouts est bloqué avec un morceau du meilleur bois de frêne possible. Cette sorte de bonde possède un diamètre de dix pouces et une épaisseur de deux ou trois. L'action de la presse force le mercure à passer par ses pores tandis que l'argent reste à l'état solide. Le peu de mercure qui y reste disparaît plus tard par évaporation à une température très élevée.

Après avoir regardé toutes ces différentes opérations, nous montâmes à la résidence du chimiste avec lui pour y voir ses travaux. Il était célibataire et n'avait que deux pièces ; l'une d'elles dans laquelle nous pénétrâmes était un exemple de désordre de célibataire. Parmi un certain nombre de volumes de chimie allemands et français, il y avait un volume de Schtller's Sàmmliche Werke et /'Histoire de France d'Anquetil. Le piano était recouvert de papiers griffonnés de calculs et de résultats de ses opérations chimiques. Sa blague à tabac était accrochée à un clou de la cheminée et il y avait un morceau de volaille dans un coin. Dans un placard on trouvait les principaux minéraux extraits de la mine et dans l'autre la vaisselle et la nourriture. Il en tira des sortes de boudins noirs, °u quelque chose de similaire, dont il se vanta comme s'ils étaient de sa fabrication, un pain et une bouteille d'alcool, qu'il nous pressa de partager avec lui avec beaucoup d'hospitalité. Comme nous n'avions encore rien mangé, nous fûmes heureux d'accepter son invitation. Les saucisses étaient excellentes, mais j'aurais aimé un peu d'eau avec mon alcool. L'allemand me le refusa catégoriquement. Cette liqueur était pauvre niais devait être dénaturée sous aucun prétexte par quelque ajout d'eau. Nous fûmes donc obligés d'accompagné notre petit-déjeuner avec un quantum sufficit d'alcool  Pendant que nous étions en train de manger avec le chimiste, un autre homme entra et nous invita ainsi que le chimiste à prendre le petit-déjeuner avec lui C'était un employé du gouvernement qui résidait à la mine afin de collecter les impôts. Il  dit qu'il avait un ami qui viendrait manger avec lui et espérait que nous    joindrions    à   lui.    Nous    n'y    fîmes    aucune objection ; nous allâmes donc tous à sa maison ; mais avant   de   quitter   l'habitation    de   l'allemand,   notre nouveau   compagnon   prit   un   reste   de   saucisse   et l'enveloppa dans une des feuilles  de calculs  pour le mettre dans la poche de sa veste, en disant au pauvre chimiste,   " Je sais que tu mets  de l'argent dans tes saucisses. Cela doit être analysé... à ma table de petit-déjeuner ". Et, malgré le propriétaire qui protestait que c'était  le   dernier   bout  qu'il  possédait,  rien   n'y   fit; l'homme donna cependant un morceau de papier propre pour l'envelopper. L'officier du fisc était aussi célibataire et habitait tout seul dans une petite maison, en meilleur état que celle de l'allemand car il avait une servante. Son petit-déjeuner ne serait prêt qu'à midi; aussi pendant l'attente, nous jouâmes avec ses chiens dans le jardin en fumant des cigares. Le petit-déjeuner s'avéra excellent et abondant et nous aurions pu épargner la saucisse volée. Celle-ci fut en effet vite mise en pièce et le pauvre allemand qui ne savait s'il devait rire ou pleurer, en garda néanmoins un petit bout.

Après le petit-déjeuner, nous avons pris congé de notre hôte et sommes allés voir le procédé d'extraction du plomb de la terre qui le contient. Cela est accompli par une centaine de femmes dans un énorme bâtiment ressemblant à une grange. Un nombre identique de tables inclinées sont rangées côte à côte à deux pieds d'intervalle sur tout le bâtiment. Un courant d'eau coule sur ces tables, pouvant être arrêté ou mis en route par la femme qui y travaille. La matière ,arrivant de la mine est d'abord battue jusqu'à ce qu'elle soit poussière,  puis  est mise  dans de petites   boîtes transportées  sur  des perches,   comme une  chaise   de berline, par deux filles et jetées en bout de table. Le rôle des femmes est alors de faire arriver de l'eau en petites quantités et, grâce à une sorte de râteau et une brosse faite de brins de balais, de soigneusement laver la matière minérale jusqu'à ce que les particules   de terre partent avec l'eau et que les grains plomb restent, bleus et brillants, sur la table. .Toutes les femmes qui faisaient ce travail étaient jeunes et apparemment parfaitement saines. On me dit pourtant que chacune d'entre elles avaient la gale. Elles avaient pourtant l'air parfaitement heureuses, quelques unes discutaient, beaucoup chantaient si l'on peut appeler le son monotone qu'elles répètent sans arrêt un chant. Ces femmes reçoivent seulement neuf sous par journée de travail de douze heures. Les mineurs reçoivent dix-neuf à vingt sous par jour pour le même nombre d'heures.

Nous demandâmes au sous-directeur la permission de descendre dans la mine ; il nous dit qu'à six heures, lorsque le groupe de jour remonterait et que celui de nuit descendrait, nous pourrions y aller. Nous attendîmes en nous promenant dans la vallée dont un des flancs abrite la mine. A environ cinq heures et demie on entendit une énorme cloche et les .mineurs de nuit se rassemblèrent. Des visages glauques commencèrent à sortir des bois qui couvraient les flancs de la vallée. Le plus réaliste des observateurs n'aurait pas pu s'empêcher d'être un Peu excité par la vue de ces hommes bizarres. Alors que le paysage se retrouvait soudain peuplé de ces formes crépusculaires, ils auraient pu être des esprits de la terre, appelés à la surface par cette -cloche, gardiens des trésors  sous-terrains de la Nature, - une équipe de ces gnomes qui

" Their empire keep

From a few fathoms deep,

Down, down, down,

Down thé very center.

Avec leurs traits fins et hagards, leurs traits figés, leurs longs cheveux tombant sur les"épaules, leur uniforme composé d'une veste et d'un pantalon de laine miteux et leur lampe attachée à la ceinture, ils formaient la troupe la plus surnaturelle que j'aie jamais vue. Leur apparition nous annonça qu'il fallait que nous nous préparions aussi à descendre. Nous retournâmes donc à la maison du sous-directeur, qui nous avait gentiment promis de nous prêter des vêtements appropriés à enfiler par-dessus les nôtres. Nous étions maintenant totalement équipés, en tenues de mineurs et chacun avec sa lampe ; et M. le Roux, le sous-directeur, nous accompagna de sa maison jusqu'à la foule de mineurs qui se trouvait maintenant rassemblée devant un bâtiment près du puits, là où ils rangent leurs outils et où, avant de descendre pour la nuit, ils remplissent leur lampe à huile auprès d'une énorme citerne. Là nous fûmes confiés au contre-maître, qui avait comme directive de nous montrer toutes les parties de la mine et de nous ramener sains et saufs à la surface. Il y a plusieurs puits qui descendent dans cette très grande mine . Certains sont juste utilisés pour sortir le minerai et d'autres pour la rentrée et la sortie des hommes ; les cordes utilisées sont toujours neuves afin de prévenir les accidents car elles s'usent très vite. Nous pénétrâmes dans le flanc de la colline par un passage horizontal, que le canal dont j'ai déjà parle emprunte aussi pour faire son travail. En effet, la pompe hydraulique qu'elle actionne est dans la mine et ^ une distance considérable de la surface.

Cette machine, la seule en France, construite par M. Juncker, un ingénieur des mines allemand, fut un grande réussite d'ingénierie pour les mines. Le principe utilisé est le même que celui des machines dans les énormes mines de sel autrichiennes ou allemandes. Mais là-bas, l'ingénieur pouvait construire ses machines à l'air libre, avec autant d'espace qu'il désirait. Ici, les différentes parties du moteur, toutes aussi importantes pour le fonctionnement et la précision, devaient être montées dans un tout petit espace confiné au cœur de la terre. Au lieu d'avoir des assises solides pour le construire, l'ingénieur fut contraint de faire appel à ses propres solutions afin de trouver les moyens de soutenir l'énorme poids de la machine par rapport aux abysses d'en-dessous. Cette difficulté avait été surmontée de main de maître et une partie de la stabilité était due à la machine, ce qui est très rare. Je ne perçus aucune vibration de la machine de M. Juncker, même en plaçant ma main sur différentes parties. En septembre 1835, un rapport de M. Arago, fait à l'Académie des Sciences à propos de cette machine, finissait par ces mots : " Tant d'études, tant d'ingénieuses combinaisons, tant de travaux, tant d'expériences n'ont pas été en pure perte. La machine de Huelgoat a réalisé toutes les prévisions de la science. Depuis trois ans et demi, elle fonctionne nuit et jour et la régularité, la douceur, la souplesse de ses Mouvements, l'absence complète de bruit, ont été un Sujet d'admiration pour les ingénieurs des différents Pays qui l'ont examinée. Il est vraiment regrettable qu'une machine si belle, si puissante, si habilement exécutée et qui fait tant d'honneur à notre industrie (II aurait été plus juste de dire à M. Juncker, un allemand et à son amélioration d'un modèle allemand) soit  reléguée à l'une des extrémités de la France, dans un canton rarement visité. " Après avoir inspecté toutes les parties de cette machine   gigantesque,   que   nous   avions   atteint   en descendant des  échelles,   nous   suivîmes  notre  guide jusqu'à une ouverture d'un grand puits carré. " Messieurs,  votre voiture vous attend ", dit-il en montrant un énorme panier suspendu en l'air. Nous montâmes dedans tous les trois et après que notre guide ait signalé aux hommes du haut que nous pouvions y aller, nous commençâmes notre descente à une vitesse régulière et modérée. Alors que nous n'avions voyagé que quelques minutes, éclairant ici et là lorsque nous traversions une obscurité épaisse, notre descente s'arrêta à nouveau et nous atterrîmes dans un autre passage du vaste labyrinthe de tunnels de la mine. Après avoir marché pendant dix minutes, en pataugeant à certains moments dans l'eau jusqu'aux chevilles et en nous cognant la tête à d'autres, nous arrivâmes à un endroit où des hommes travaillaient une veine de terre rouge qui contenait de l'argent. Il apparut qu'elle n'était pas très dure et que le travail était facile. De petits échantillons d'argent natif, comme on l'appelle, sont parfois trouvés ; et avant de quitter la mine je m'en procurais un mais nous ne réussîmes pas à en trouver nous mêmes.

Nous  retournâmes   à l'ouverture   du puits,   au panier qui nous attendait patiemment, en laissant les travailleurs de l'argent  derrière  nous.  Nous   nous embarquâmes encore une fois et donnâmes le signal de descente ; en effet, je souhaitais voir aussi le travail du minerai de plomb qui était, comme nous l'avait dit notre ami     allemand,     "blus     pas".   Nous  descendîmes doucement au niveau d'une autre galerie et marchâmes un peu plus longtemps jusqu'à rencontrer un groupe de mineurs qui venaient de finir de creuser un trou,  de deux pieds de profondeur dans la roche et après avoir arrangé leur poudre et leur allumette, furent  sur  le point d'y  mettre le  feu.  Ils   nous  crièrent   de nous reculer et nous nous plaçâmes à l'abri de la roche ,qui nous protégea de l'explosion. L'explosion fut incroyable et les échos continuèrent de rouler dans les C0liloirs plus longtemps que je n'aurais cru. L'air aussi était considérablement chargé et il se passa plusieurs avant que la fumée n'ait complètement disparu. s retournâmes une fois de plus à notre panier et cette fois-ci, après avoir donné le signal de remontée à |a surface, nous remontâmes rapidement, sains et saufs mais complètement défigurés et ressemblant beaucoup plus à des mineurs qu'à notre descente.

Toute personne qui est descendue dans une mine doit avoir remarqué l'extraordinaire sensation que l'on ressent en émergeant des ténèbres à la lumière éclatante d'une journée d'été. Ce n'est pas seulement l'œil qui est touché. La surface du corps, le nez, les poumons, sont tous sensibles à ce changement soudain, d'une façon qui montre à quel point toute partie du corps peut s'adapter à toutes les circonstances sans entièrement attaquer les fonctions vitales. Après nous être changés et débarrassés de l'huile, du noir de la lampe et de la boue qui recouvraient notre visage et nos mains, il était près de neuf heures et nous commençâmes à nous inquiéter que la Veuve Madec ne nous attende pas et ferme sa maison avant notre arrivée à Huelgoat ; surtout que maintenant nous avions à porter tous les échantillons que nous avions pris à la mine.

Les trésors qui sont enfermés dans le sol de cette vallée sont connus depuis longtemps. M. de Fréminville dit que la mine est exploitée depuis quatre siècles Mais je pense que l'on peut associer une date bien antérieure au premier percement de ce sol. La mine de Huelgoat est beaucoup plus riche que celle de Poullaouen et les travaux de mine sont bien plus considérables. J'ai lu quelque part, dans une étude statistique, que la quantité préparée chaque année pour les hauts fourneaux est en moyenne de 1 100 000 kilogrammes, ce qui produit 715 000 kilogrammes de plomb et 733 kilogrammes d'argent. Cette quantité d'argent est exclusivement obtenue ; partir de la terre rouge de la manière décrit, auparavant. On se rendit compte seulement des années plus tard que cette terre avait de la valeur et que d'immenses quantités de celle-ci avait été jetées parfois dans des endroits où il est possible de la récupérer aujourd'hui afin de la soumettre au procédé d'amalgame. Tout la fonte est faite à Poullaouen et nous voulûmes y aller après avoir visité Huelgoat. Mais, comme le procédé de fonte n'a rien de nouveau ni d'intéressant, que la mine est plus petite que celle de Huelgoat et qu'il restait des choses à voir dans les environs, nous décidâmes de consacrer la journée destinée à Poullaouen à une nouvelle randonnée dans le voisinage.

Malgré notre chargement et la beauté de la soirée qui nous donnait envie de traîner ici et là lorsque nous traversâmes les bois, nous arrivâmes chez Mme Madec avant dix heures et fûmes agréablement surpris de voir qu'elle avait deviné que nous serions en retard et affamés. Elle nous attendait donc mais avait aussi préparé un souper qui nous attendait sur le feu.

Chrétien-Auguste JUNCKER (1791-1865)

Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III, page 184

JUNCKER (Chrétien-Auguste) (promotion de 1809) né le 5 mars 1791 à Obenheim (Bas-Rhin), mort le 4 janvier 1865, Inspecteur général de deuxième classe en retraite. Il avait été de la dernière promotion d'élèves qui, avec Dufrénoy, ait passé par Moutiers. Dès sa sortie de l'École, en 1816, il quitta le service de l'État pour entrer comme sous-directeur et, presque immédiatement après, pour être directeur des mines de Poullaouen et Huelgoat, qui étaient et restèrent, pendant toute sa direction, l'établissement de cette sorte le plus considérable qu'eut la France. Il le dirigea vingt-cinq ans, jusqu'en 1841, date à laquelle il rentra dans l'Administration par le service des carrières du département de la Seine, qu'il géra jusqu'en 1851 et qu'il réorganisa avec le concours de Lefébure de Fourcy, son Ingénieur ordinaire. Ce fut pendant cette période qu'a été constitué l'Atlas souterrain des carrières de Paris.

Les plus grosses difficultés que Juncker avait à vaincre pour assurer la continuation des exploitations de Poullaouen et d'Huelgoat provenaient de l'affluence des eaux, surtout à Huelgoat. L'épuisement y était effectué au moyen de trois roues hydrauliques commandant des jeux de pompes par un long développement de tirants en bois établis au jour. L'ensemble du mécanisme était si compliqué et si rudimentaire que les rendements n'étaient que de 18 à 23 pour 100. Vers 1820, il devenait impossible de continuer l'exploitation en profondeur. A cette date, on ne pouvait songer à établir à Carhaix une machine à vapeur ayant la puissance nécessaire. Juncker, qui pouvait disposer d'une force hydraulique suffisante, se décida pour des machines à colonne d'eau à simple effet, du type de celles que Reichenbach avait établies à Illsang et Rosenheim, en Bavière. Les machines de Juncker, qui sont restées classiques, devaient être deux fois plus puissantes, et elles furent munies d'agencements nouveaux ou complètement remaniés, fort ingénieux, tels que celui de la régulation graduée du petit piston formant tiroir. Juncker devait, en outre, vaincre des sujétions spéciales dues aux circonstances de l'installation à faire dans un puits de mine encombré, sans pouvoir arrêter le service de l'épuisement. Il fut par là conduit à établir côte à côte deux machines identiques de 1 m de diamètre et 2,30 m de course, actionnées par une force motrice de 21 mc par minute, avec hauteur de chute de 61 m. Elles devaient élever 3,58 mc par minute de 230 m de profondeur, en donnant un rendement de 65 pour 100. Ce n'était pas seulement le mécanisme qui était remarquable, au point d'avoir passé dans l'enseignement ; c'étaient, pour l'époque, - la mise en marche eut lieu le 17 juillet 1825 - la puissance de la machine et l'importance des pièces comme celle constituée par le piston. A cette date, il y a soixante-cinq ans, la plus forte machine à vapeur fonctionnant en France était une machine de 100 chevaux.

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http://passerellesdutemps.free.fr/edition_numerique/IGCD/5_SCIENCES_DE_LA_NATURE_ET_MATHEMATIQUES/55_Sciences_de_la_terre_et_des_autres_mondes/553_Les_mineraux_utiles.pdf

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: Un des moteurs hydrauliques Juncker

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Quelques années après les travaux de von Reichenbach, nouvelles de son moteur atteint M. Juncker, directeur des mines de Poullaouen et Huelgoat en Bretagne, a été dans le processus de planification des moteurs de l'eau pour les égoutter. Ayant voyagé à la Bavière, il revient et construit deux moteurs d'eau impressionnant. Chaque moteur a un cylindre vertical de 3,37 mètres de diamètre et 9,02 mètres de hauteur et fait 5,5 coups de 7,54 mètres par minute, grâce à une tête de l'eau de 243 mètres. La tige de la pompe traversé le fond de la bouteille et courut à une pompe dans un puisard fosse 1080 mètres au-dessous du niveau du sol ; Il pesait 35 287 lbs. L'eau était en fait seulement surélevé 754 mètres où il a couru dans une galerie d'écoulement souterrain. Cette galerie était 46 ft au-dessus de la position des moteurs, l'eau d'échappement dû faire son chemin jusqu'à ce niveau ; le chef efficace pour faire fonctionner les moteurs était donc réduit à 197 ft. Les soupapes d'admission et d'échappement ont été arrangées pour ouvrir et fermer progressivement afin d'éviter une commotion cérébrale et bélier. Juncker a estimé que l'efficacité serait de 65 % à pleine charge.

Informations contenues dans le paragraphe précédent est de « A Treatise sur hydraulique pour the usage of Engineers » par J F d'Aubuisson de Voisins, traduit par Joseph Bennett et publié par Little, Brown and Co de Boston en 1852.

Les moteurs Juncker ont été décrits en détail par William Rankine, dans son livre la machine à vapeur, s'inspirant apparemment un récit écrit par une personne appelée Delauney.

Sur la photo ci-contre on peut voir que le moteur est simple effet ; le piston A fait monter la pression d'eau, mais le poids de la tige de la pompe il tire vers le bas encore une fois. B est le cylindre et piston A vers le bas de sa course. Le piston est relié à la tige de la pompe qui passe par une boîte à garniture dans le fond de la bouteille. L'eau entre et sort du cylindre dans le passage D, contrôlée par le robinet à piston E.

C est le tuyau d'alimentation en eau, avec la manette des gaz vanne U. G est le tuyau d'échappement, avec papillon V ; Pourquoi l'échappement si besoin un papillon ainsi que la fourniture n'est pas à présent clair.

Image de la machine à vapeur, par William Rankine 1888, p140.

: La valve  du moteur eau Juncker

Les bords du robinet E sont entaillées afin que l'ouverture et de fermeture est progressive pour atténuer le choc. F est un piston de tronc qui actionne la soupape E ; Lorsque l'eau est admis via port je, piston F est poussé vers le bas. Cette pratique de travail les vannes principales avec un eau-moteur auxiliaire est un nous verrons encore et encore que l'histoire du moteur eau se déploie, mais la raison de son adoption n'est pas toujours clair.

H est le tuyau d'alimentation et M le tuyau de refoulement du moteur auxiliaire, qui a ses propres piston valve à K. Le piston L a la même surface de piston que K, équilibrant les forces alors K n'a pas tendance à se déplacer vers le haut ou vers le bas sous la pression de l'eau.

Me référant à l'illustration ci-dessus, N est une tige de poussoir hydraulique verticale fixée à l'arrière du piston moteur A. Il transporte des poussoirs X et Y qui s'engagent avec la béquille P et faire fonctionner le robinet à piston auxiliaire K travers le contre-collier O Q R S T.

H et M, adduction et évacuation tuyau du moteur auxiliaire, sont équipés de robinets qui peuvent être utilisés pour contrôler la vitesse du moteur entier ; Cela soulève la question du juste ce que les deux throttle valves, U, V sont pour.

Il y a aussi la question du pourquoi un eau-moteur auxiliaire a été utilisé pour faire fonctionner les vannes principales. Si le moteur pourrait soulever une tige de pompe , puis il y n'avait évidemment aucun manque de puissance disponible pour l'exploitation des vannes. Peut-être la réponse se trouve dans la nécessité de faire fonctionner les vannes principales lentement pour contrôler les coups de bélier.

De la machine à vapeur, par  William Rankine 1888, p141.

 

http://www.douglas-self.com/MUSEUM/POWER/waterengine/waterengine.htm

 


  HUELGOAT, LA MINE Lavoisier 1778

DE POULLAWEN ET D'HUELGOAT

Le 10 juin 1778, Monseigneur le duc de Chartres (Louis Philippe II Joseph d'Orléans, duc de Chartres, puis duc d'Orléans (1785-1792), connu sous le surnom de Philippe Égalité après 1792, est né au château de Saint-Cloud le 13 avril 1747 et meurt guillotiné à Paris le 6 novembre 1793) se rendit aux mines de Poullawen et d'Huelgoat en basse Bretagne pour y prendre connaissance de tous les travaux relatifs à l'exploitation des mines. M. le comte d'Arcy, maréchal de camp et membre del'Académie royale des sciences, l'un des propriétaires, eut l'honneur de recevoir le prince, et de le conduire dans tous les ateliers, et M. Lavoisier, membre de l'Académie royale des sciences, qui se trouvait alors à Poullawen, eut l'honneur de l'accompagner.

Les mines de Poullawen et d'Huelgoat ayant chacune environ 500 pieds(32,484cm) de profondeur, et les travaux actuels étant déjà de beaucoup au-dessous du niveau de la mer, l'eau y ruisselle de toutes parts, et ce n'est qu'à force de machines qu'on parvient à l'épuiser ; l'eau est elle-même le premier mobile de ces machines, et pour en avoir une quantité suffisante et à une élévation convenable, on a été obligé de la faire venir à grands frais par des aqueducs et des canaux. Le principal des canaux d'Huelgoat a 3000 toises (1,949m)de longueur ; l'eau coule d'abord dans une galerie percée dans une montagne de granit : elle est ensuite conduite jusqu'à la mine par un canal découvert à travers des rochers, des précipices et des obstacles de toute espèce. Les différents canaux qui conduisent l'eau à Poullawen ont ensemble une étendue de 9000 toises. On a construit en outre, tant à Poullawen qu'à Huelgoat à la tête des canaux, de vastes étangs où l'excédant de l'eau qui coule pendant l'hiver est mis comme en réserve pour suppléer à ce qui manquerait pendant les temps de sécheresse.

Monseigneur le duc de Chartres voulut remonter jusqu'à la tête du canal principal d'Huelgoat, et il en suivit à pied le cours depuis son origine jusqu'à la mine. Les machines hydrauliques qui servent à élever les eaux du fond des travaux jusqu'à la surface de la terre, c'est-à-dire jusqu'à une hauteur d'environ 500 pieds, sont au nombre de deux à Huelgoat, et de trois à Poullawen : les roues sont à augets, elles ont 30 à 35 pieds de diamètre, et M. Darcy, sous les ordres duquel elles ont été construites, a profité, pour obtenir le plus grand effet possible, de toutes les connaissances dont la mécanique et l'hydraulique se sont enrichies jusqu'à ce jour. Le minéral de Poullawen et d'Huelgoat est une mine de plomb, connue sous le nom de galène, contenant un peu d'argent. Cette mine, ainsi que presque toutes celles de cette nature, se trouve par filons ou espèces de tranches contenues entre deux rochers, et qui pénètrent dans la terre à une très grande profondeur. On attaque les filons par des galeries horizontales et par des puits perpendiculaires. C'est le long de ces puits que sont placées les échelles, qui pour la plupart sont également

perpendiculaires, et c'est par cette route dangereuse que Monseigneur le duc de Chartres, accompagné de M. le comte de Genlis, capitaine de ses gardes, et de M. le chevalier de Boufflers, colonel de son régiment, est descendu jusqu'aux travaux les plus profonds, malgré les prières instantes que faisaient pour l'en détourner tous ceux qui l'environnaient.

La dureté du rocher qui accompagne la mine est telle, que les forces humaines ne pourraient parvenir à l'entamer, si elles n'étaient aidées du secours de la poudre. Le prince voulut partager tous les dangers auxquels les ouvriers sont exposés ; il exigea qu'on fit jouer la mine en sa présence, et que l'exploitation de la mine se fit exactement comme à l'ordinaire : ce voyage souterrain dura environ trois heures.

 

il y reste en outre, quelque soin qu'on ait pris pour le laver, du quartz, du schiste et une portion des autres matières qui accompagnent le filon. La première opération à faire est de griller la mine pour détruire le soufre par combustion et pour le volatiliser. Cette opération ne peut se faire sans qu'une partie du métal ne se réduise en chaux ; et on ne peut le ramener à l'état métallique que par l'addition du phlogistique. Un même fourneau remplit à la fois ces différents objets : ce fourneau qui a beaucoup de rapport avec le fourneau anglais, et qui est connu sous le nom de fourneau à réverbère, a été beaucoup perfectionné à Poullawen, et on y a adapté une seconde chauffe : il fond par semaine 70 milliers de galène qui produisent environ 35 milliers de plomb ; là, on place le minéral sur toute l'étendue du sol du fourneau et on allume un feu de bois dans deux foyers placés à chaque extrémité : la cheminée du fourneau étant placée dans le milieu, la flamme du bois est attirée vers ce côté ; elle est forcée de passer sur le minéral et de brûler le soufre. De temps en temps on jette dans le fourneau quelques pelletées de menu charbon de terre ou de bois, pour rendre le phlogistique au métal, et ce dernier, lorsqu'il est fondu et revivifié, se rassemble par la pente naturelle du fourneau dans le milieu, où on a soin de le tenir toujours couvert

avec du charbon embrasé. On fait communément deux coulées, l'une au bout de douze heures, l'autre au bout de seize à dix-sept. Le fourneau est percé à cet effet dans son fond d'un trou qui se bouche avec un tampon de terre argileuse, et ce dernier se perce à chaque coulée avec une barre de fer pointue. Le métal tombe dans un bassin garni de poudre de charbon et recouvert de charbons embrasés, et on l'en

tire avant qu'il soit figé avec des cuillères de fer, pour le mouler en saumons ; lorsque cette première portion de métal a été obtenue, il reste dans le fourneau une quantité considérable de crasses, qui sont composées : 1° de la terre, du quartz et des pierres qui n'avaient pas été exactement séparées du minéral par le lavage ; 2° d'une petite portion de terre qui entre dans la composition de la galène ; 3° d'une assez grande

quantité de chaux de plomb qui, enveloppée de matières étrangères, n'a pu recevoir leil y reste en outre, quelque soin qu'on ait pris pour le laver, du quartz, du schiste et une portion des autres matières qui accompagnent le filon. La première opération à faire est de griller la mine pour détruire le soufre par combustion et pour le volatiliser. Cette opération ne peut se faire sans qu'une partie du métal ne se réduise en chaux ; et on ne peut le ramener à l'état métallique que par l'addition du phlogistique. Un même fourneau remplit à la fois ces différents objets : ce fourneau qui a beaucoup de rapport avec le fourneau anglais, et qui est connu sous le nom de fourneau à

réverbère, a été beaucoup perfectionné à Poullawen, et on y a adapté une seconde chauffe : il fond par semaine 70 milliers de galène qui produisent environ 35 milliers de plomb ; là, on place le minéral sur toute l'étendue du sol du fourneau et on allume un feu de bois dans deux foyers placés à chaque extrémité : la cheminée du fourneau étant placée dans le milieu, la flamme du bois est attirée vers ce côté ; elle est forcée de passer sur le minéral et de brûler le soufre. De temps en temps on jette dans le

fourneau quelques pelletées de menu charbon de terre ou de bois, pour rendre le phlogistique au métal, et ce dernier, lorsqu'il est fondu et revivifié, se rassemble par la pente naturelle du fourneau dans le milieu, où on a soin de le tenir toujours couvert avec du charbon embrasé. On fait communément deux coulées, l'une au bout de douze heures, l'autre au bout de seize à dix-sept. Le fourneau est percé à cet effet dans son fond d'un trou qui se bouche avec un tampon de terre argileuse, et ce dernier se perce à chaque coulée avec une barre de fer pointue. Le métal tombe dans un bassin garni de poudre de charbon et recouvert de charbons embrasés, et on l'en tire avant qu'il soit figé avec des cuillères de fer, pour le mouler en saumons ; lorsque cette première portion de métal a été obtenue, il reste dans le fourneau une quantité considérable de crasses, qui sont composées : 1° de la terre, du quartz et des pierres qui n'avaient pas été exactement séparées du minéral par le lavage ; 2° d'une petite portion de terre qui entre dans la composition de la galène ; 3° d'une assez grande quantité de chaux de plomb qui, enveloppée de matières étrangères, n'a pu recevoir lephlogistique. Ces crasses se retirent par une porte pratique derrière le fourneau et elles sont portées au fourneau à manche. On donne ce nom à un fourneau étroit, élevé et arrondi dans son fond, en forme de coupe pour recevoir le métal. Le feu en est animé par un fort soufflet à trombe ou par deux grands soufflets mus par un courant d'eau. On y charge alternativement par le haut les crasses dont on vient de parler, une portion de verre ou laitier des fontes précédentes pour servir de fondant et

du charbon de bois. Les matières se ramollissent en passant à travers les charbons ardents, et elles se fondent complètement à l'instant où elles arrivent vis-à-vis de la tuyère du soufflet : en même temps le minéral qui se trouve en contact avec les charbons se revivifie ; il tombe au fond et les matières vitreuses qui s'en séparent nagent à sa surface. De temps en temps on fait une percée dans le bas du fourneau pour obtenir le plomb, et on le coule en saumons dans des lingotières de fer.

Ces différentes opérations faites il reste un dernier objet à remplir, c'est la séparation de l'argent d'avec le plomb. On profite pour cet effet de la propriété qu'a le plomb de se réduire à une chaleur très médiocre en litharge, c'est-à-dire, en une chaux à demi vitrifiée, tandis que l'argent est inaltérable à ce degré. Cette opération se fait dans de grands fourneaux nommés fourneaux d'affinage et qui ne sont autre chose que de grandes coupelles, semblables à celles qu'on emploie dans les laboratoires de chimie : leur fond est formé de cendres bien lessivées et battues, qu'on recouvre avec un peu de foin, on pose les saumons de plomb par-dessus et on chauffe. Il est à observer que les fagots dont on se sert dans cette opération ne sont point placés

dans le fourneau même où l'on coupelle le plomb, mais dans un fourneau voisin qui communique avec lui, de sorte que le plomb n'est échauffé que par la flamme qui passe du fourneau dans la coupelle, et qui se réverbère le long de la voûte. Lorsque le plomb est fondu et qu'il est en bain, il se forme une crasse à sa surface ; bientôt cette crasse se vitrifie par la violence du feu et forme sur le plomb un bain fluide comme de l'eau : en même temps on dirige sur le bain dans l'embouchure d'un fort soufflet à trombe. L'air rafraîchit la surface à l'endroit où il la touche ; la litharge se fige et est chassée par la force du vent, jusqu'à l'extrémité opposée du

fourneau, où elle enfile une rigole pratiquée à cet effet dans la cendre ; tout le plomb passe ainsi successivement en litharge, après quoi il ne reste plus que de l'argent pur dont on accélère le refroidissement en jetant de l'eau dans le fourneau. Ce même argent est affiné de nouveau par le moyen d'une seconde coupelle beaucoup plus petite, mais en tout semblable à la première dont l'objet est de le dépouiller des dernières portions de plomb qui pourraient y rester unies. Enfin, il est refondu une dernière fois dans un creuset, coulé en lingots, et marqué de la marque de la fabrique. D'un autre côté la litharge qui a été séparée d'avec l'argent par l'affinage est mêlée avec du charbon de bois et placée dans un fourneau à réverbère. On allume un feu de bois aux deux extrémités du fourneau ; la flamme est réverbérée sur la litharge, elle l'échauffe et la fond, et comme cette dernière rencontre du charbon qui lui rend le phlogistique, elle reprend la forme métallique et se rétablit en plomb qui coule et se rassemble dans la partie basse du fourneau. Il est ensuite coulé en saumons de la même manière que ci-dessus.

 

Monseigneur le duc de Chartres a été occupé deux jours entiers du détail de ces travaux. Il n'est pas un atelier qu'il n'ait visité, pas une opération qui n'ait été faite sous ses yeux : partout il a voulu connaître l'objet et les moyens d'exécution. Enfin, on a été étonné de le voir sortir des mines plus instruit que la plupart de ceux qui en font leur occupation capitale.

Monseigneur le duc de Chartres fut distrait un instant le 10 au soir de ce travail par un spectacle singulier et d'autant plus piquant qu'il retrace le tableau des mœurs antiques. Les paysans de basse Bretagne sont dans l'usage, dans les occasions importantes et lorsqu'ils veulent donner des marques particulières de respect et de déférence, de se rassembler pour célébrer des jeux, tels que ceux que nous décrit Homère. Ces jeux consistent principalement dans des luttes, où se développent à la fois la force et l'adresse. M. le comte d'Arcy qui avait été prévenu de l'arrivée du prince avait fait publier la lutte, et avait fait annoncer des prix qui consistaient en moutons, en veaux, en jeunes bœufs et en différents autres objets relatifs au goût et aux besoins des habitants de la campagne. Les jeux furent célébrés en présence du prince, et les prix décernés à son jugement. Plus de trois mille personnes s'étaient rassemblées pour ce spectacle, et comme l'enceinte de l'arène était trop resserrée pour les contenir, une partie s'était répandue dans la prairie voisine où s'exécutaient, au son des musettes, des hautbois et du tambourin, des danses à la manière du pays. Il serait difficile de donner une idée des acclamations et des témoignages de joie d'un peuple qui était dans le ravissement et dans l'attendrissement de voir, peut-être pour la première fois, assis parmi eux un prince du sang de ses rois.

Monseigneur le duc de Chartres a voulu également être instruit de tout ce qui concerne la police et l'administration des mines, des lois particulières rendues pour cette partie, des dispositions faites pour contenir douze ou quinze cents hommes qu'elles occupent, enfin des précautions qu'une humanité éclairée a engagé les propriétaires à prendre pour assurer aux ouvriers et à leurs veuves une subsistance honnête dans les cas de vieillesse, d'infirmité ou d'accident. Monseigneur le duc de Chartres a fait en partant présent de deux tabatières d'or, l'une au sieur Grevin inspecteur général des mines, l'autre au sieur Gerard, inspecteur des fontes, et il a donné à tous les ouvriers des preuves de sa libéralité.

Tableau de Sérusier  Les coiffes sont de Pont Aven mais il a été peint au Huelgoat.

Tableau de Sérusier  Les coiffes sont de Pont Aven mais le tableau a été peint au Huelgoat.


Voyage en Bretagne 1839 d'un français raciste envers nous les bretons  Fortuné Du Boisgobey  Edtion Ouest-France 2001

Mardi, 10 septembre 1839

Je me réveille guéri, un peu, je crois, parce que je me suis dit qu'il fallait l'être. Il ne me reste plus qu'une difficulté de parole et de mastication. La voiture qui va nous conduire à Poullaouen est une nouvelle entreprise qui fait le service aujourd'hui pour la première fois : jamais encore aucun service régulier n'avait pu être organisé sur cette ligne de Morlaix à Lorient par Carhaix à travers les Montagnes d'Ares et les Montagnes Noires. Je vais voyager avec la civilisation qui jette aujourd'hui son premier flambeau dans le fond de cette Cornouaille encore barbare. Sur la route les paysans sortent de leurs maisons, les familles s'assemblent et les vieillards hochent la tête en examinant la lourde et rapide machine qui vient violer la vieille terre de l'Armorique. Toute cette route est vraiment la plus curieuse que j'ai faite en voiture et surtout en diligence. D'abord cette circonstance du premier voyage y ajoutait un attrait particulier, puis les hauteurs escarpées du chemin où il faut à chaque instant descendre, ce qui fait qu'on voyage autant à pied qu'en voiture : un endroit même où il n'y a pas de pont pour passer une petite rivière et où on est obligé de piquer à travers champs ( Le  Mendy) et par dessus tout les vues magnifiques et particulières des chaînes de l'Arès. De tous côtés ce ne sont qu'immenses plateaux terminés par des montagnes étagées : et sur tous ces paysages la teinte jaune et desséchés qui est propre à cette partie du Finistère : on se croirait en Espagne. Un monsieur qui y avait été ne cessait de le dire et M. Boieldieu lui-même avouait que cela ressemblait beaucoup à sa chère Corse. Ce n'est pas la première occasion que j'ai de remarquer combien la vieille et primitive Armorique offre de rapports même purement physiques avec les autres contrées encore sauvages comme elle. En approchant d'un mauvais hameau qu'on nomme le Squiriou, le paysage change, d'épaisses forêts bornent la vue de toutes parts, et quand arrivé sur une crête on domine enfin les arbres voisins, ce sont encore des forêts qu'on aperçoit à perte de vue dans les collines et les vallées.

Mon oncle qui ne veut pas voir M. Juncker quitte la voiture et s'en va directement au Huelgoat, tandis que je pousse jusqu'à Poullaouen placé à une lieue plus loin sur le bord de la route. Déjà je rencontre les Cornouaillais aux figures hâtes, la lampe et le pen-bas à la main : puis tout à coup au milieu d'un terrain désert et triste, voici que de grands bras s'élèvent, que des roues tournent, que des fumées montent : on est à Poullaouen. M. Souvestre qui a admirablement saisi en quelques mots toute la physionomie de cette partie de la Bretagne. On a pu s'apercevoir que je viens de le répéter et pourtant je n'ai écrit que ce que j'avais vu et senti ; je pourrais le copier encore si je voulais décrire l'effet produit par ces merveilles de la civilisation ainsi placées au milieu de la barbarie, mues ou surveillées par des hommes rudes de la vieille Cornouaille. La route passe absolument sur la mine puisque les machines marchent des deux côtés et l'une d'elles même étend une grande arcade au-dessus de la route, comme pour marquer sa propriété et la prendre sous sa protection.

D'abord je n'ai vu que ces grandes roues tournant immuablement sous le poids de l'eau et quelques mineurs qui me regardaient silencieux comme leurs travaux. Je me suis vite dirigé vers le château où demeurent les employés supérieurs de la mine et entre autres

M. Juncker le directeur et sa famille. On était à table : j'ai envoyé ma lettre de recommandation. M. Juncker est descendu, m'a demandé quels étaient mes projets et m'a contraint de déjeuner d'abord. Je sais d'ailleurs que dans une visite aux mines l'hospitalité au château est presque de droit, vu le défaut d'autre lieu convenable. M. Juncker est jeune encore, bon, aimable, spirituel et avec tout cela savant et célèbre ingénieur en chef des Mines. Il y avait nombreuse compagnie au château : Madame Juncker d'abord dont m'avait parlé M. Goury, et qui certes vaut beaucoup mieux que tous les éloges que j'en avais entendus : j'ai peu vu de femmes qui me paraissent aussi bonnes et aussi aimables à la fois : je ne parle pas de ses talents de musicienne et de peintre. Elle n'est plus jolie. Elle a deux petits enfants qu'elle adore. Il y a encore là un vieux de la vieille, un colonel de la garde, frère de M. Juncker, une sœur  de Madame délicieusement jolie mais un peu femme artiste de ton et d'habitudes quoique demoiselle, 2 autres officiers du régiment du colonel, les deux fils de M. Blacque-Belair, fort bien tous deux, et un étranger de Paris, administrateur en herbe des messageries, type de richesse et de stupidité complète avec laideur à l'avenant. J'ai été reçu avec empressement, affabilité ; enfin à table j'ai enragé perpétuellement d'être privé du peu d'amabilité que je puis posséder par cette espèce d'absorption, d' abasourdissement que laisse toujours à sa suite un mal de dents. Enfin j'ai fait de mon mieux, qui n'a pas été grand chose : et c'est une des circonstances où j'ai le plus regretté ma solitude, tant je crains d'avoir paru maussade à des gens si aimables.

M. Juncker m'a donné pour me conduire dans les travaux de Poullaouen, M. Pernollet, sous directeur de l'établissement, jeune, grand, assez beau garçon, sorti de l'école dans les mines et aujourd'hui dans une belle position : de l'esprit mais de l'esprit bourru, un peu d'affectation d'ennui et d'indifférence à tout. Du reste je n'ai qu'à le remercier de m'avoir parfaitement guidé et expliqué. Les mines dites du Poullaouen et du Huelgoat sont exploitées activement depuis une centaine d'années environ quoique il existe des traces de travaux antérieurs mais fort peu importants.

On prétend que les premiers puits ouverts remontent au temps de la duchesse Anne, peut être même bien plus loin, car ce temps de la duchesse Anne désigne généralement en Bretagne tout ce qui est ancien. Elles sont depuis leur réouverture la propriété de concessionnaires, d'abord assez nombreux, maintenant réduits à trois : M. Blacque-Belair et deux associés. Ce sont les plus riches de France en plomb argentifére et en argent : il est bon de dire que la France est très pauvre en ce genre. Les exploitations du Huelgoat et du Poullaouen, éloignées l'une de l'autre d'environ 5/4 de lieue sont tout à fait distinctes comme matière exploitée et comme traitement de ces matières. La mine du Poullaouen où réside le Directeur est la plus moderne (elle ne date que de 1750nviron) et la moins riche. Elle a de plus que celle du Huelgoat la fonderie où se coule tout le plomb des deux mines. La mine du Huelgoat fort ancienne comme je l'ai dit a atteint aujourd'hui une profondeur de 900 pieds : on y remarque les belles machines destinées à l'épuisement des eaux et dues au talent et aux labeurs de M. Juncker. Ce qui la caractérise surtout c'est la présence d'un minerai d'argent, qui ne contient que de l'argent et est appelé vulgairement terre rouge et est bien distinct du minerai de plomb contenant de l'argent mélangé. On a été fort longtemps avant de connaître la valeur de cette précieuse matière et même les propriétaires la jugeant inutile en avaient fait paver plusieurs chemins de la mine. Ce ne fut qu'en 1813, environ, que M. de Humbolt , visitant Le Huelgoat trouve une grande ressemblance entre cette terre rouge et le minerai d'argent des mines de Potosi au Pérou , qu'il avait comme on sait, si bien visitées et décrites : on analysa, on réussit, et on dut à la science et à l'expérience un bienfait de plus. Les opérations pour traiter ce minerai sont propres au Huelgoat.

Après ces différences générales je passe au détail de ma visite dans leur ordre naturel. M. Pernollet m'a conduit successivement dans tous les travaux du Poullaouen. Partout dans les deux mines, le grand et le seul agent pour presque toutes les opérations est l'eau. D'abord voici un des puits qui s'ouvre sous un hangar : une grande roue mue par une chute d'eau fait incessamment monter deux demi-tonnes que les ouvriers souterrains remplissent de minerai. Les échelles sont là et semblent inviter à s'engouffrer dans ces profondeurs, mais je préfère réserver la descente pour le Huelgoat où elle est plus intéressante. Suivons maintenant ce minerai que je viens de voir tel qu'on l'arrache à la terre, c'est à dire ayant la forme brute et la couleur d'un morceau de charbon entouré de matières étrangères. Dans un atelier voisin, qui n'est rempli que de femmes et d'enfants, ils choisissent et mettent à part les morceaux qui contiennent vraiment du plomb, ce qui est aisé à reconnaître à la couleur métallique et au poids ; le reste composé de quartz et autres pierres inutiles est rejeté. Les parties jugées assez riches sont immédiatement soumises à l'action des pilons ou cylindres qui les broient et les réduisent en une poudre encore fort grossière.

Plus loin nous trouvons un vaste hangar ; là les femmes seules font le travail par ce qu'il exige plus d'attention que de force. De longues tables creuses et inclinées sont disposées dans toute la longueur de l'atelier : un courant d'eau parcourt sans cesse entraînant avec lui les parties plus légères de cette poussière dont j'ai parlé et laissant au fond le plomb. Le travail des femmes consiste à racler assez doucement avec de grands râteaux pour enlever les parties inutiles. Des travaux analogues se font pour l'épuration à divers degrés toujours par l'eau qui est employée ici à tout. Une chose digne de remarque c'est combien peu il se perd de matière dans une si grande exploitation : la boue des ateliers est ramassée et on force même les ouvriers à se laver les pieds en sortant. Aux mines de Poullaouen : le lavage du minerai .

De là M. Pernollet nous a guidé dans les ateliers de la fonderie situés à quelques distances et a eu la bonté de nous faire assister à un coulage. C'est vraiment un beau spectacle : d'un énorme fourneau à réverbères, que des paysans bretons à moitié nus chauffent avec du bois et de la houille, s'élève la flamme verdâtre et blanche que produisent le cuivre et le zinc mêlés en petite quantité avec le plomb. Tout à coup avec une barre de fer on perce une issue dans la chaudière et un véritable fleuve de feu s'échappe en bouillonnant pour se réunir dans une cuve creusée en terre, d'où on le sort ensuite après l'avoir encore purifié pour le couler en barres dans des rigoles de fer creusées à cet effet. Je ne pouvais assez admirer ce changement si prompt et si complet qui a fait de cette terre noirâtre un métal pur et brillant.

C'est une belle chose que l'industrie. J'ai tout vu à Poullaouen. M. Juncker qui veut me donner à la fois des recommandations et les moyens d'en profiter, me fait une lettre pour le sous-directeur du Huelgoat et me propose pour m'y rendre le cheval de sa belle-sœur, Melle Caroline. J'accepte en remerciant, j' enfourche et je pars. Me voilà chevauchant au milieu des coteaux et des forêts : je ne connais rien de beau comme tout ce pays de Poullaouen au Huelgoat et plus loin, ces rochers couverts d'arbres séculaires dans la partie la plus sauvage de la Bretagne, cette solitude à côté du mouvement des mines, ces mines même avec leur souterraine industrie, tout cela jette dans l'âme je ne sais quelle poésie, je ne sais quelle émotion indéfinissable. On prête involontairement de grandes actions, des époques héroïques à ces sites imposants et sauvages. Que j'aimerais à vivre là retiré du monde, le fusil à la main, errant de la montagne au bois, et du torrent à la plaine.

C'est aujourd'hui M. Blacque-Belair qui est propriétaire de presque toutes ces belles forêts ; il paraît du reste qu'il en est digne : du temps qu'il habitait Poullaouen il chassait fréquemment le sanglier : un jour il était descendu de cheval ; un énorme sanglier venait à lui, furieux : M. Blacque le tire, le blesse et en reculant pour tirer son second coup trébuche dans les branches et tombe ; l'animal arrive sur lui d'un bond, et du premier coup de croc lui ouvre la cuisse dans toute sa longueur ; il va redoubler quand M. Blaque a assez de présence d'esprit pour reculer sa carabine, la lui appliquer sur le crâne, lui faire sauter la cervelle et donner du cor pour appeler à son secours. On trouva le sanglier mort et le chasseur évanoui, l'un sur l'autre couverts tous deux de sang et d'écume. N'est-ce pas un trait antique  ?

J'arrive à Huelgoat après plusieurs détours, car les travaux de la mine qui emploient presque toute la population des environs  ont peu civilisé et il est très difficile de se faire comprendre en français. L'exploitation du Huelgoat est située sur une hauteur fort élevée, au centre de ce magnifique pays dont j'ai parlé. Il se décide que je vais y coucher et y dîner. En attendant  je vais ave£ M. Boieldieu voir dans la forêt la promenade des bords du canal. Ce canal qui n'est autre qu'un petit ruisseau servant à amener de l'eau pour les travaux de la mine forme la plus délicieuse promenade qu'on puisse imaginer : on a eu l'heureuse idée de pratiquer dans tout son cours une charmante allée bien verte et bien touffue, bordée d'un côté par ce frais ruisseau, de l'autre par une pente escarpée au bas de laquelle coule la rivière que les arbres de la forêt dérobent à la vue, le sentier nous a menés jusqu'à un rocher abrupt et couvert de vieux saules qui domine ce qu' on appelle le gouffre ; c'est un endroit où la rivière après une cascade assez élevée tombe au milieu de gros blocs de rochers où elle s'engouffre à grand bruit et disparaît pour ressortir plus loin claire et murmurante. Ce site est d'une beauté sombre bien remarquable ; il est du reste bien mieux encore en hiver quand les eaux sont abondantes : il me fait penser avec un serrement de cœur à la cascade si belle de Saint-Darbots  que je ne verrai pas, je sais bien par la faute de qui. Il est vrai que Saint-Darbots est dans le même cas que le gouffre et n' a pas presque (sic) d'eau en été.

En revenant pour dîner  je trouve le maître mineur qui m'avertit de me préparer à descendre ce soir dans la mine parce qu'il ne pourrait pas me conduire demain matin. Soit, le jour et la nuit sont exactement pareils à quelques centaines de pieds sous terre. Je dîne assez mal avec M. Boieldieu chez le receveur des Douanes, espèce de vieil imbécile, dont le nom de M. Pinchon ferait rire à Paris depuis le vaudeville. Enfin voici 8 heures, il faut partir : je vais me revêtir du costume de mineur, nécessaire pour se lancer dans ces profondeurs. Une blouse et un pantalon de toile grise, un chapeau ciré de forme basse pour protéger la tête dans les voûtes peu élevées, et un grand tablier de cuir qui se boucle sur le dos. Nous allumons nos lampes et nous grimpons le coteau. Le maître mineur ouvre d'abord une petite porte et nous pénétrons dans une longue et basse galerie voûtée où il faut marcher courbé et qui nous conduit à près d'un quart de lieue jusqu' à l'entrée des puits. Il y a deux moyens pour descendre dans la mine : le premier par les tonneaux suspendus appelés bassicots, l'autre plus fatigant de beaucoup par des échelles successives de galerie en galerie, de 30 pieds chacune. J'aime mieux en pareille circonstance ne m'en fier qu' à moi même et je choisis les échelles : d'ailleurs je crois que les tonneaux ne sont pas pour le moment disponibles. Je suis d'abord fort embarrassé pour descendre tout en tenant ma lampe suspendue avec le pouce. Mais enfin je m'y habitue, le maître mineur me donne des leçons, et je traverse presque sans m'en apercevoir 5 ou 6 étages qui nous conduisent à 30 pieds sous terre.

Là se trouvent les machines si célèbres de M. Juncker qui est vraiment le fondateur ou du moins le régénérateur des deux mines : on allait les abandonner il y a environ dix ans quand il revint y mettre l'ordre et mieux que l'ordre, le talent. Ces machines servent à épuiser l'eau qui envahirait sans cela la mine entière en quelques minutes : ce sont deux énormes pompes qui élèvent l'eau du fond de l'excavation jusqu' à la hauteur où nous sommes au moyen de deux gigantesques pistons de 600 pieds 85. De là l'eau est portée au dehors par des appareils divers et moins importants. L'admirable chose que ces machines dont la monstrueuse impulsion égale à la force de 280 chevaux fonctionne sans bruit, sans peine : on dirait une petite pompe de bateau pour rejeter l'eau au dehors. M. Colobert, le maître mineur m'explique tout avec beaucoup de complaisance : c'est un homme fort instruit, s'exprimant bien et pourtant on lui donne la pièce en sortant. Deux gardiens veillent sans cesse près de la machine. Je délibère si je descendrai plus bas, mais cela me retiendrait jusqu'à 2 heures du matin ; j'ai besoin de sommeil et d'ailleurs je verrai en remontant les mêmes travaux qu'en dessous. Jour et nuit on travaille dans la mine : de temps en temps je reconnais le bruit éloigné des coups de pioche et le roulement des brouettes ou bien une lumière éloignée qui brille à travers les excavations et annonce la présence d'un mineur isolé. Quel singulier spectacle !

Voici que nous touchons au 11 septembre : dans quelques heures il y aura 18 ans que je suis né à Granville : Qui aurait dit à ma mère qu'à pareil jour dans 18 ans je me trouverais à 300 pieds sous terre l'aurait bien effrayée ; sans plaisanterie, ce rapprochement dans cette position m'a fait naître mille idées mélancoliques qui n'étaient pas sans charme. Nous nous rapprochons de la surface et en même temps nous nous enfonçons dans les longues galeries qui occupent un espace de plus de 2 000 mètres. Voici les entrailles de la terre : voici les parois de rochers qui encaissent le filon dont j'ai compris alors la forme et la position : c'est ici qu'il faudrait apprendre la géologie. Ce filon, généralement composé de substances assez molles est distinctement encaissé dans le rocher ; il a presque partout 4 pieds de largeur. Nos lampes projetaient leur terne lumière sur toutes ces substances métalliques et leur donnaient mille reflets divers : j'ai ramassé quelques morceaux de minerai d'argent, de cette terre rouge dont j'ai parlé. Enfin nous avons regagné la surface, au milieu de l'eau et de la boue qui vient à la cheville, et moi les mains horriblement salies et fatiguées de cette ascension continue. Croirait-on qu'il vient presque tous les jours des visiteurs, que des dames y descendent, que Madame Juncker entre autres est allée jusqu'au fond et a remonté d'un seul coup 900 pieds d'échelles ?

Mercredi, 11 septembre 1839

Aujourd'hui il ne me reste plus à voir pour compléter mon excursion travail particulier au Huelgoat que l'on y fait subir au minerai d'argent. Cette terre rouge que j'ai vue hier dans la  mine, par filons, par masses irrégulières, la voilà amenée à la lumière et tout près de rendre à la science l'argent qu'elle renferme. J'ai aujourd'hui pour cicérone le collègue du maître mineur, le maître chimiste qui préside aux manipulations et aux travaux à la surface ; c'est un Allemand un M. Schmidt, je crois, d'un accent très prononcé, d'une vivacité toute française ; fort bon homme et très bien aussi dans sa partie comme M. Colobert : il paraît que M. Juncker se reflète sur tout ce qui l'entoure.

Cette terre rouge est jetée après avoir été pilée dans de grands bassins où elle est mélangée d'eau et de sel : elle prend alors l'apparence de mortier et de terre glaise. C'est pour cette opération du mélange du sel qu'on entretient deux hommes de la Douane à Huelgoat, qu'on oblige l'inspecteur à y aller tous les mois. Ces deux employés ont pour mission unique de veiller à ce que le sel ne soit pas employé à la consommation des tables et notez qu'on a soin de l'empoisonner avant de le livrer : ou le poison, ou les douaniers, mais pas les deux. Le mélange fait et après qu'il a passé dans les cuves successives, il est enfin transporté dans des tonnes attachées sur des pivots à des roues que fait tourner une vaste machine mise en mouvement par l'eau. C'est dans ces tonnes qu'on le traite par le mercure ; lequel par le mouvement continuel rencontre et s'approprie toutes les parties d'argent contenues dans le minerai. La mixture faite on ouvre les bondes ; le mercure beaucoup plus lourd se précipite dehors en entraînant l'argent ; on jette le reste et il n'y a plus qu'à séparer l'argent du mercure et à fondre. La fusion ne s'opère guères que tous les 8 jours : on attend qu'on ait recueilli une quantité d'argent suffisante.

Tels sont en résumé les travaux de ces deux belles exploitations qui rapportent, dit-on, environ 20 000 Francs par mois de bénéfice net à partager entre trois  : c'est certainement fort beau et pourtant on remarque partout une misère et un délabrement bien fâcheux. Les fourneaux sont en mauvais état : les ateliers de chimie presque tous hors de service : les employés casernes dans de mauvaises huttes : il n'y a que le château qui soit réellement un peu passable. Nous avons dormi cette nuit dans une petite chambre à dessin, au bruit de la grande roue que fait mouvoir une chute d'eau, et tout près de l'orifice de la mine. Il m'a paru curieux d'observer quel était l'effet de la présence des mines dans cette partie reculée de la Bretagne. Au premier abord on croirait qu'il doit en résulter de grands avantages : on se tromperait. Si les travaux de la mine ont quelque effet, cet effet est fâcheux. D'abord il tue l'agriculture dans un rayon de quelques lieues : des familles entières trouvant à s'occuper à la mine abandonnent les travaux de la terre pour une occupation d'un gain plus sûr. C'est là aussi que l'on peut saisir une des nuances du caractère breton si éminemment coutumier et traditionnel : ils ont trouvé moyen de plier à leurs habitudes ce travail essentiellement civilisé ; d'abord ils se le transmettent de père en fils : le père travaille et pioche à quelques cents pieds plus bas le minerai que le fils divise et choisit dans l'atelier et que la femme lave un peu plus loin ; ensuite ce métier ils l'exercent seuls : c'est en breton que se donnent les ordres, en breton qu'on commande l'amalgamation pour la séparation de l'argent ; ils ont conservé leur individualité au milieu des pompes aspirantes et des fourneaux à réverbères, et s^on les rencontre le soir par les chemins la lampe dans une main, la lampe signe de leur servage, de l'autre ils ont toujours le pen-bas, emblème de la vieille indépendance celtique. Une petite fille nous a offert un petit morceau de minerai pour avoir quelques sous : elle ne savait pas le français et nous l'a présenté sans rien dire : déjà l'instinct du gain qui naît avec les Bretons : c'est pourtant une triste destinée que celle de ces mineurs, avec cette vie souterraine, sans cesse exposés à ne plus ressortir de ce puits où ils entrent tous les jours. Il paraît du reste que les accidents sont fort rares : le gaz n'y produit jamais d'explosions.

J'ai donc tout vu, tout vu excepté Saint-Darbot, mais enfin il n'y a pas moyen, et nous partons. Nous revenons en cabriolet cette fois je vais à pied du Huelgoat au Squiriou à travers la forêt : c'est comme partout auprès du Huelgoat : une suite de sites plus merveilleux l'un que l'autre une belle forêt, une vraie forêt de haute futaie et non de ces méchants taillis qui prennent ce noble nom, s'étend sur tout ce pays du Squiriou à Huelgoat, et je ne saurais trouver une plus belle voie pour quitter tant de belles choses. J'aurais bien voulu aller rendre visite et faire mes adieux à M. Juncker, mais quoi qu'on ait pu dire et faire, M. Boieldieu, tout en disant qu'il avait fort envie de le voir, n'y a jamais voulu venir. J'ai parcouru de nouveau toute cette route d'Arrés et j'ai encore une fois joui de la beauté de ces montagnes si pittoresques et si sauvages. Oh ! je pense avec bien des soupirs de regret à mon excursion de Pleyben, la Feuillée, Saint-Darbot, Chateauneuf et Carhaix, manquée et sans que ce soit de ma faute : libre et seul il n'y a que cela pour voyager. J'ai remarqué surtout dans ma route une chaîne assez rapprochée qui se découpe sur l'horizon en rochers bleuâtres : il est impossible de rien imaginer de plus suave et de plus sévère à la fois. Arrivé le soir à Morlaix j'ai passé une insignifiante soirée qui préludait à une insignifiante journée.